REMONTER DANS LE TEMPS POUR COMPRENDRE LES MOULINS
La plus ancienne machine hydraulique (2500 av. J.C.) est le chadouf, levier à contrepoids, qui permet de plonger et relever un seau dans un puits ou un cours d'eau. Il reste utilisé au proche Orient aujourd'hui.
Au premier siècle avant notre ère, Archimède, à Syracuse, invente la vis qui porte son nom : c'est une hélice qui tourne dans un cylindre et qui permet de remonter l'eau sur de faibles pentes.
L'origine du Moulin est incertaine, mais on pense qu'il dérive des roues élévatoires d'eau, ou norias, utilisées vers -2000 ans au Proche Orient. En occident, l'invention de la roue hydraulique, est attribuée Ktésibios, vers le III° siècle avant J.C., pour actionner les moulins à blé de la Méditerranée orientale.
Au premier siècle avant J.C., Héron d'Alexandrie, s'appuyant sur les travaux d'Archimède sur les engrenages, perfectionne les mécanismes de transmission de mouvement, qui se diffusent de manière très inégale dans l'Empire romain. En effet, la main d'oeuvre servile et l'irrégularité des cours d'eau, n'encourage pas le développement des moulins.
L'ingénieur et architecte Vitruve, rédige, en 30 av. J.C., un traité où il décrit des roues hydrauliques.
Au VIIème siècle, dans les pays où l'énergie hydraulique est insuffisante, on invente le moulin à vent. Probablement originaire de l'Ouest de l'Afghanistan, ce type de moulin se répand dans tout le monde Islamique, en Egypte, en Inde et en Chine.
Au Xème siècle en Mésopotamie, d'énormes bateaux-moulins de teck et de fer flottaient sur le Tigre et l'Euphrate, et moulaient jusqu'à 10 tonnes de farine par jour.
Pendant le Moyen Âge, dans les pays islamiques, les moulins servent aussi à fouler les tissus, concasser les minerais, décortiquer le riz, broyer la canne à sucre. Ils actionnent un arbre à cames soulevant des marteaux qui retombent lourdement sur les matériaux à traiter.
Les techniques mécaniques islamiques, déjà présentes en Grèce et à Rome, sont découvertes aussi par l'Occident, via l'Espagne où chrétiens et musulmans cohabitèrent longtemps, par les récits voyageurs, par les contacts entre les ouvriers... Certaines ont été réinventées.
Les moulins restent inchangés pendant des siècles, dans le Haut Moyen Âge . C'est grâce aux abbayes Cisterciennes, que les moulins se développent. En effet, les règles monastiques demandaient aux moines d'être autonomes pour leur entretien, et de consacrer beaucoup de temps à la prière, à l'étude, et à la méditation. En développant et perfectionnant les moulins, les moines consacrent moins de temps aux tâches manuelles.
Ainsi l'abbaye de Clairvaux, comme les 500 autres monastères cisterciens en Europe, possède de nombreux moulins spécialisés pour moudre les grains, fouler des draps, tanner les peaux. Plus tard on construit des moulins-forges (XIIème s.), des scieries (1240), des moulins à papier (1276), des souffleries (fin XIVème s.).
La noblesse féodale voit aussi dans la diffusion de l'énergie hydraulique un moyen d'augmenter ses revenus. Elle oblige les serfs à utiliser ses moulins et cette servitude, nommé banalité, ne disparaît qu'à la Révolution. La disparition de l'excédent de main d'oeuvre, la régularité des principaux cours d'eau français, favorisent la multiplication des moulins. Ils augmentent également leur puissance et la diversité des types d'utilisation.
L'amélioration du traitement des métaux, permet de fabriquer des mécanismes plus fiables et plus solides.
Ils servent à meuler et polir les métaux dans les coutelleries (XIIème s.), à actionner des tours, des foreuses, des laminoirs, des ventilateurs, des monte-charge, et des pompes pour les mines (XVIème s.).
Cette révolution industrielle est aussi importante que celle du XIXème siècle avec la machine à vapeur.
Au XIXème s., a turbine est conçue par l'ingénieur Claude Burdin, mais sa réalisation pratique est due à son élève Benoît Fourneyron en 1827. Elle est perfectionnée dans sa forme par la suite, pour améliorer son rendement et prend son plein développement avec l'électricité et les barrages.
Dans la seconde moitié du XIXème siècle, avec le développement industriel, furent construites les minoteries à vapeur. L'électricité va ensuite donner le coup de grâce à la plupart des moulins restant en activité. Les guerres et les catastrophes naturelles en détruisirent beaucoup. Enfin, le manques d'entretien et les nouvelles taxes contribuèrent à la destruction de nombreux moulins.
La grande période de diffusion du moulin à eau du département se situe entre XIème et XIIème siècles. Au XIXème siècle, la Sarthe possède un nombre très important de moulins. Les statistiques de 1809 en dénombrent 926. Suite à la Révolution industrielle, la machine à vapeur et le moteur à huile se vulgarisent. Les utilisateurs de la force hydraulique s'affranchissent de la rivière ; seuls les meuniers restent fidèles à la force motrice de la roue à eau, engendrant une concurrence sévère. Aussi, fin XIXème s., 1/5 des petits moulins ont disparu au profit des grands établissements.
Après le Première Guerre Mondiale, le nombre de ces moulins chute. Seulement cinq sont encore en activité aujourd'hui.
Ces moulins, qui produisaient la farine pour le pain, le papier permettant la diffusion des idées nouvelles, l'électricité dès la fin du XIXème siècle, sont la mémoire d'un terroir et le poumon d'une région.
Leurs roues n'ont-elles pas aussi actionné les soufflets de certaines forges, des marteaux-pilons, des métiers à tisser et à filer. C'est pourquoi de l'an mil jusqu'à la fin du XIXème, étagés en cascade le long des rivières Sarthoises, les moulins ont vraiment été une source de richesse et un moyen de développement pour beaucoup d'industries.
Aujourd'hui, s'ils ont perdu leur rôle économique, les moulins sont devenus des points d'attraction touristique et des centres d'animations et de festivités. Ils symbolisent toujours la nature, la beauté, et surtout l'ingéniosité humaine.
Le premier moulin de l'Orière (qui s'appelait à l'époque Moulin de Lorrier) à probablement été construit vers l'an 1000. On retrouve le moulin actuel aux archives de la Sarthe en 1685 lors d'un procès contre le propriétaire du moulin le plus proche (c'était à l'époque chose courante) et peu de temps après à l'occasion d'une vente judiciaire. Il apparait également sur le carte Cassini dressée en 1750. Ce qui lui confère de facto un droit d'eau fondé en titre.
L'histoire du Moulin de l'Orière remonte au XIème siècle, date probable d'une première implantation sur le site. Bien que nous ne sachions pas quel était sa configuration exacte, l'actuel moulin repose sur les fondations de ce premier établissement. La présence du moulin est officiellement attestée par la carte de Cassini (voir ci-dessus) qui est aujourd'hui encore la référence pour déterminer le droit d'eau d'un moulin : s'il est sur la carte, s'est gagné ! Il est intéressant de noter le nombre très important de moulins à cette époque.
Ce nombre s'explique par l'importance capitale qu'ont eu les moulins en France. Chacun était un site que l'on appellerait aujourd'hui industriel. Outre les moulins à blé, il existait une multiplicité de moulins spécialisés qui fournissaient l'énergie hydraulique nécéssaire à ces activités. Il est donc normal qu'ils aient eu une importance capitale dans le paysage de la France et aient laissé une place importante dans notre patrimoine culturel et social.
Remplacés petit à petit à partir du XIXème siècle par les minoteries, puis par d'autres formes d'énergies, les moulins traditionnels ont été oubliés, voués à une destruction progressive, alors qu'ils représente le troisième patrimoine architectural de France, après les châteaux et les édifices religieux !
A l'heure où nous parlons, de plus en plus d'énergies renouvelables sont utilisés, il est normal que nous redécouvrions, grâce a tous ceux qui ont œuvré en ce sens, ces lieux chargés d'histoire qui illustrent l'ingéniosité humaine et montrent des techniques qui ont aujourd'hui encore tout leur sens.